
Rotation de maïs après du canola, est-ce conseillé?
Semer du maïs après une culture de canola n'est habituellement pas recommandé, en raison des champignons utiles qui vivent dans le sol. Toutefois, en Ontario, certaines études et quelques expériences concrètes ont montré que cette rotation n'est pas toujours problématique.
Champignons mycorhiziens à arbuscules (MA)
Bon nombre des cultures que nous produisons, y compris le maïs, entretiennent des relations symbiotiques avec le MA dans le sol. Ce champignon colonise les racines des plants et forme un réseau d'hyphes (filaments tubulaires) développé qui transporte les éléments nutritifs vers les plants. Les hyphes occupent beaucoup plus de volume de sol que les systèmes racinaires des végétaux et les plants à mycorhizes peuvent absorber beaucoup plus de phosphore à de plus faibles concentrations dans la solution de sol que les plants sans association symbiotique avec ces champignons. En échange de cette vaste autoroute d'éléments nutritifs, les champignons mycorhiziens à arbuscules dépendent des plantes pour s'alimenter en carbone. Les MA sont abondants dans la plupart des sols, bien que certaines pratiques comme le travail du sol et les rotations puissent avoir un effet sur leurs associations avec les cultures.
Les plantules de maïs possèdent de petits systèmes racinaires et utilisent les MA pour explorer davantage le sol et se procurer ainsi les quantités adéquates de phosphore leur permettant de satisfaire leurs besoins en début de croissance. Le phosphore (P) n'est pas très mobile dans les sols et en l'absence de MA, les plantules de maïs peuvent présenter des carences en P. Ils peuvent ainsi être très courts et porteurs de tiges peu vigoureuses et parfois présenter une teinte de vert plus foncé ou pourpre. Habituellement, dans le maïs, cette carence se manifeste pour un retard de croissance (figure 1). Le lin est une autre culture largement dépendante du MA.
Le canola comme toutes les brassicacées (par ex. le chou, le brocoli et la moutarde), ainsi que la betterave à sucre, ne sont pas des plantes qui s'associent aux mycorhizes, elles n'utilisent pas le MA et ne sont pas non plus des hôtes de ce dernier. Après une culture de canola, les réseaux de MA dans le sol seront réduits et les champignons devront refaire des colonies à partir de spores (cellules reproductrices), ce qui peut prendre environ 50 jours en présence d'un hôte. C'est la raison principale pour laquelle on ne recommande pas de cultiver du maïs après du canola.
Figure 1. Champ de maïs au Manitoba, en 2021, où l'on peut observer deux différents stades de maturité (à gauche et à droite) et dont la seule différence est la culture précédente. Le maïs cultivé après une rotation avec des pois de grande culture (à gauche) est au stade de l'apparition des panicules, alors que le maïs semé à la suite de canola de printemps (à droite) n'a pas encore ses panicules en raison du retard de croissance attribuable au manque de MA dans le sol. Source photo : Anastasia Kubinec.
Exemples de réussite et d'échec
Deb Campbell, conseillère agréée en cultures chez Agronomy Advantage Inc, a décrit des plants de maïs considérablement rabougris après du canola de printemps, à quatre ou cinq occasions. Dans ces cas, les producteurs n'ont pas tenu compte de la carence potentielle en P ni appliqué d'engrais pour compenser la faible activité des MA. Le maïs cultivé à la suite du chou a été le pire cas, alors que la teneur en P du champ était élevée, mais qu'un engrais de démarrage phosphaté n'avait pas été appliqué sur le maïs.
Le canola d'automne offre la possibilité de cultiver beaucoup d'autres cultures après la récolte. L'avoine entretient une forte association avec les mycorhizes et c'est la principale culture de couverture recommandée, mais il existe beaucoup d'autres cultures et mauvaises herbes qui utilisent le champignon mycorhizien à arbuscules. Le soya s'associe aux mycorhizes, mais il ne dépend pas autant du MA. Le recours au soya dans la rotation fonctionne donc bien pour ceux qui souhaitent aller vers la double culture. Un producteur de canola d'automne a obtenu un rendement record de maïs après une rotation avec du canola, mais la plupart des années il y avait aussi du soya en double culture entre les deux cultures. Il s'agissait de loams sableux, riches en P, et un engrais de démarrage phosphaté avait été appliqué dans la raie au moment des semis de maïs. Le producteur avait aussi signalé qu'il y a toujours des repousses spontanées de canola après la récolte qui peuvent devoir être combattues pour faciliter l'établissement de la culture de couverture.
Dans le cas des rotations avec le canola d'automne, on ne sait pas exactement cependant si l'on peut cultiver avec succès du maïs au printemps quand le canola a été détruit durant l'hiver. John Heard, spécialiste des sols auprès du ministère de l'Agriculture du Manitoba, estime qu'en général une teneur élevée en P, conjuguée à l'application d'engrais de démarrage phosphatés, a réduit notre dépendance à la présence de MU dans le maïs. Des études menées au Manitoba par Don Flaten et Magda Rogalsky ont montré que l'apport de phosphate au démarrage atténue les désavantages en termes de rendement et de maturité d le cas du maïs cultivé après le canola. Les applications de P au démarrage ont devancé la maturité du maïs deux années sur trois et augmenté sa biomasse, et les meilleurs résultats ont été obtenus avec du maïs cultivé après du canola. Dans ces essais, on a observé une augmentation de 10 % dans le rendement du maïs lorsque du PMA (phosphate de monoammonium) avait été épandu en bandes à raison de 53 lb de P2O5/acre, quelle que soit la culture utilisée dans la rotation.
On trouve quelques exemples documentés de maïs semé directement après destruction d'une culture de canola. Dans le cadre d'un essai sur la lutte contre les mauvaises herbes réalisé en Indiana et publié en 2020, du canola d'automne semé en septembre et détruit deux semaines avant les semis de maïs n'a pas diminué les rendements de maïs comparativement à une jachère (de septembre au printemps). L'étude ne fournit pas toutefois de données sur la teneur en P du sol ni sur l'utilisation d'engrais de démarrage phosphatés. Une autre étude sur le maïs à ensilage menée vers la fin des années 1990 en Colombie-Britannique, dans le cadre de laquelle du maïs avait été cultivé après du maïs, du canola ou une jachère d'été, l'effet de la culture précédente sur le rendement en ensilage avait été plus marqué dans le cas du maïs n'ayant pas reçu d'engrais, comparativement au maïs où du P avait été appliqué en bandes à raison de 60 lb de P2O5/acre. Les rendements de maïs à ensilage avaient été semblables après une jachère d'été et du canola (à noter que les champs en jachère peuvent aussi contenir peu de MA), et au cours d'une année en particulier, les rendements ont été inférieurs après le canola comparativement à ce qu'ils étaient dans une rotation de maïs sur maïs.
Conclusion
La recommandation la plus sûre est de ne pas semer du maïs après une culture de brassicacées en raison des risques de carences en phosphore et des retards de croissance dans le maïs. Si possible, il est préférable de semer une autre culture entre le canola et le maïs afin de favoriser le rétablissement des champignons mycorhiziens à arbuscules. Il demeure difficile de prévoir si les conditions et les pratiques culturales permettront d'éliminer ce problème de rotation, mais on sait qu'une teneur élevée en P dans le sol et l'application d'un engrais de démarrage phosphaté dans la raie de semis ou en bandes à côté de la raie vont probablement favoriser une croissance hâtive du maïs.
Références
- Grant C., Bittman S., Montreal M., Plenchette C. et Morel C., Soil and fertilizer phosphorus: Effects on plant P supply and mycorrhizal development, Can J Plant Sci. 85 : 3-14, 2005.
- Thèse de maîtrise en sciences de Magdalena Rogalsky, 2017, Université du Manitoba, Phosphorus Beneficial Management Practices for Corn Production in Manitoba.
- DeSimini S.A., Gibson K.D., Armstrong S.D., Zimmer M., Maia L.O.R et Johnson W.G., Effect of cereal rye and canola on winter and summer annual weed emergence in corn, Weed Technol, 34 : 787-793, 2020.
- Bittman S. Kowalenko G. et Hunt D., Phosphorous Deficiency in Seedling Corn - Crop Rotation Considerations, Better Crops, Vol. 84, 2000.
Remerciements à John Heard, Deb Campbell, Ryan Benjamins et James Hammerton pour leur partage de connaissances et d'expériences dans le cadre de la rédaction de cet article.
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Auteur : | Meghan Moran, spécialiste de la culture des haricots comestibles et du canola/MAAARO |
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Date de création : | novembre 2021 |
Dernière révision : | novembre 2021 |