Dommages causés par les résidus d'herbicides inhibiteurs de pigments dans les haricots secs

Les herbicides du groupe 27, qui sont des inhibiteurs de pigments causant une perte de coloration, sont couramment utilisés en prélevée et en début de postlevée dans le maïs. Les haricots secs sont souvent cultivés après le maïs dans la rotation et des symptômes de décoloration ont été observés dans les haricots secs semés trop tôt après l'application d'un produit du groupe 27, ou lorsque les conditions ont ralenti la dégradation de l'herbicide.

Certains produits du groupe 27 couramment utilisés dans le maïs sont énumérés au tableau ci-dessous et accompagnés des restrictions relatives aux ensemencements de haricots blancs à la suite de l'application des herbicides en question.

Tableau 1. Intervalles entre les cultures, en mois, mentionnés sur les étiquettes des herbicides, relativement aux ensemencements de haricots blancs après application d'herbicides du groupe 27.

Nom commercial des herbicides	Matière active des herbicides du groupe 27	Intervalles entre les cultures dans le cas des haricots blancs (en mois)
Acuron	mésotrione and bicyclopyrone	L'étiquette ne précise pas d'intervalle de réensemencement *
Armezon	topramézone	10
Callisto	mésotrione	11
Converge XT	isoxaflutole	22
Engarde	mésotrione	11
Halex GT	mésotrione	11

*Bien que l'intervalle de réensemencement n'est pas mentionné sur l'étiquette, des dommages ont été observés en Ontario sur des haricots secs ensemencés un an au plus après l'application de l'herbicide

Symptômes

Les dommages aux haricots blancs attribuables aux herbicides du groupe 27 vont se manifester par une décoloration blanche ou jaune des nouvelles pousses (figure 1). Il est possible que les symptômes chez les haricots blancs ne soient pas apparents avant le stade de la deuxième feuille trifoliée. Les tissus endommagés peuvent se nécroser avec le temps. Il est important de se rappeler que même en utilisant une gestion identique, certains dommages peuvent ne pas survenir une année ou dans un champ en particulier et se manifester dans un autre champ, ou durant une autre saison (en raison de conditions environnementales) ou pour une catégorie commerciale différente de haricot sec.

Figure 1. Décoloration sur des plants de haricots secs causée par des herbicides du groupe 27 appliqués l'année précédente.

Certaines catégories commerciales de haricots secs peuvent être extrêmement vulnérables aux résidus ou à la dérive d'herbicides inhibiteurs de pigments. Ainsi, des recherches menées par Darren Robinson, de l'Université de Guelph, ont montré que les rendements en haricots blancs étaient à 95 % de celui de la parcelle témoin quand les haricots ont été semés un an après l'application de Callisto selon les doses mentionnées sur l'étiquette alors que dans le cas du haricot rognon, du haricot canneberge et du haricot noir, les rendements ont été de 75 % inférieurs à ceux de la parcelle témoin (figure 2).

Figure 2. Rendements en haricots secs un an après l'application de Callisto (mésotrione).

Les dommages peuvent être concentrés à certains endroits et être plus variables que prévu, même si les applications d'herbicides sont relativement uniformes (figure 3). À l'intérieur d'une petite superficie, les degrés de dommages peuvent varier de faibles à élevés, et l'effet diffère parfois d'un rang à l'autre. La variabilité dépend habituellement des conditions du sol. Il peut ainsi s'agir de fluctuations évidentes dans la texture du sol, ou de changements moins visibles dans le compactage, le pH ou la capacité de rétention d'eau.

Figure 3. Diminution importante du peuplement dans un champ de haricots secs, causée par des dommages attribuables à des herbicides du groupe 27. La réduction de peuplement est habituellement variable à travers les champs.

Les dommages causés par les herbicides peuvent être plus importants que prévu en raison de stress additionnels subis par les plants. Il se peut que certains plants ne soient pas en mesure de métaboliser effectivement l'herbicide en présence de pourriture des racines ou par temps frais. Par ailleurs, la présence de résidus d'un herbicide du groupe 27 s'ajoutant à un mélange en cuves de quatre herbicides contre les mauvaises herbes qui se trouvent dans la culture en place peut accroître le risque de dommages, car les plants tentent de métaboliser simultanément de nombreux herbicides. Si tous ces stress sont imposés au plant, les dommages peuvent être graves.

Les symptômes de dommages causés par les résidus d'herbicide ne sont habituellement pas présents de manière uniforme dans le champ. Il peut y avoir des dommages plus importants dans les cas suivants :

• application de doses plus élevées, en raison par exemple de chevauchements ou dans les tournières
• dégradation plus lente de l'herbicide
• endroits où les plants de haricot sec sont susceptibles de subir des stress additionnels (compactage ou pourriture des racines, par exemple)

Les microorganismes du sol dégradent la plupart des résidus d'herbicide. La température et l'humidité du sol vont influer sur la vitesse du processus de dégradation. Dans le cadre d'une étude chinoise, en présence de sols frais et sec, il a fallu 75 jours additionnels pour que s'effectue la dégradation de l'herbicide Callisto.

Le pH du sol a également un effet sur la facilité des molécules de l'herbicide à se fixer aux particules de sol. Lorsque les molécules de l'herbicide adhèrent plus facilement aux particules de sol, elles prennent plus de temps à se retrouver dans l'eau du sol où elles peuvent être décomposées par les microorganismes ou prélevées par les plants. Ainsi à des pH plus bas (6,5 et moins), les herbicides inhibiteurs de pigments sont fixés plus solidement aux particules de sol. La variabilité dans les dommages s'explique souvent par les différences de pH, et les zones dont le pH est inférieur à 6,5 ont tendance à présenter davantage de dommages.

À quoi s'attendre en présence de dommages?

Selon l'ampleur des dégâts, les haricots secs peuvent se remettre de dommages causés par des résidus d'herbicides du groupe 27. À moins que le point de croissance soit nécrosé, les plants devraient poursuivre leur croissance et paraîtront plus sains dans les 7 à 10 jours qui suivent. Les plants endommagés peuvent être rabougris ou présenter des retards de maturité, ou les deux. Une maturité retardée ou variable peut causer certaines contraintes dans la planification des applications d'herbicide en prérécolte et de la récolte mécanique.

Les décisions de réensemencement doivent être prises en tenant compte du pourcentage de plants qui sont endommagés de manière significative. Il devrait y avoir au moins les 2/3 ou les ¾ de plants survivants dans une pleine parcelle. On doit aussi tenir compte de la date afin de s'assurer que la culture qui est semée de nouveau pourra parvenir à temps à maturité pour être récoltée en septembre. Il n'est pas conseillé de réensemencer des sections à l'intérieur d'un champ déjà en culture, ce qui entraînerait des problèmes de maturité inégale à la récolte. Il vaut mieux détruire les plants dans le champ où se trouvent les dommages avec du glyphosate avant de réensemencer.

Mesures pour éviter ce genre de dommages à l'avenir

• Veiller à ce que les restrictions sur les rotations, mentionnées sur l'étiquette soient connues et puissent être respectées.
• Ajuster le pH du sol de manière à ce qu'il soit supérieur à 6,5 et inférieur à 7,5.
• Consulter les tendances de précipitations saisonnières et les unités thermiques. Si elles sont inférieures à la normale, surtout au cours du premier mois suivant l'application de l'herbicide, envisager de semer des cultures qui ne comportent pas de restrictions sur les dates de semis à la suite d'une application d'un herbicide du groupe 27.
• Labourer les résidus de cultures à l'automne avant d'ensemencer. Des résidus en quantités excessives vont abaisser les températures du sol et ralentir la dégradation par les microorganismes. Le travail du sol va réduire (sans éliminer) les risques de dommages en incorporant les résidus d'herbicides plus profondément dans l'horizon du sol, ce qui diminuera leur puissance.

Consulter DryBeanAgronomy.ca pour plus d'articles sur la production de haricots secs en Ontario, et sur des résultats de chercheurs ontariens dans ce domaine.

Références

Soltani N., Sikkema P. et Robinson D., Response of four market classes of dry bean to mesotrione soil residues, Crop Protection 26 : 1655-1659, 2007.

Wancang S., Hongdan H., Renhai W., Hongle X., Fei X. et Chuantao L., Degradation of Mesotrione Affected by Environmental Conditions. Bull Environ Contam Toxicol 98 : 212-217, 2017.