Jaunissement du soya causé par Phytophthora

La pourriture phytophthoréenne est l'une des maladies les plus destructrices du soya en Ontario. Les sols humides sont propices à l'apparition de cette maladie, qui est par conséquent plus fréquente dans les champs ayant reçu des précipitations excessives en 2021. Les sols argileux, les zones mal drainées et les champs en semis direct ont également été atteints plus gravement. La pourriture phytophthoréenne peut causer des dommages ou même tuer des plants à tout moment durant la saison de croissance, dès les semis jusqu'à la maturité. En raison de conditions sèches en début de saison cette année, les symptômes n'ont pas toujours été visibles avant la mi-saison. La présence possible de pourriture phytophthoréenne devrait être vérifiée dans les champs qui ont jauni après d'importantes précipitations, et qui ne se sont pas remis quand le sol a séché (figure 1). Il est important de savoir si un champ a été atteint de cette maladie afin de prendre de bonnes décisions à l'avenir en vue de minimiser ses effets. La lutte contre la pourriture phytophthoréenne est surtout basée sur le choix de cultivars pourvus de gènes de résistance et sur l'application de traitements fongicides des semences.

Figure 1. Champ de soya jauni en raison des conditions humides et de la présence de Phytophthora.

Figure 1. Champ de soya jauni en raison des conditions humides et de la présence de Phytophthora.

Symptômes

Les semences peuvent ne pas lever ou les plantules infectées meurent peu après la levée, affichant des symptômes caractéristiques de « fonte des semis ». Les parties infectées de la tige sont gonflées d'eau ou meurtries et molles. Tôt en saison, les symptômes sont semblables à d'autres pourritures des racines comme celles qui sont attribuables à Pythium. Il peut donc être difficile d'identifier Phytophthora sans analyse de laboratoire. Des échantillons de plants peuvent être envoyés à la Clinique de diagnostic phytosanitaire de l'Université de Guelph afin de faire confirmer la maladie en cause. Sur les plants matures, on observe souvent en premier la présence de feuilles jaunies ou flétries. Un examen des racines révèle un brunissement et une pourriture sur la racine pivotante et les racines secondaires. Les plants s'arrachent facilement puisqu'ils ne sont pas solidement retenus dans le sol. La décoloration brune ou pourpre peut s'étendre vers le haut de la tige à partir des racines vers les parties inférieures du plant. On peut observer la présence de quelques plants morts en rangées ou en petits groupes, particulièrement dans les zones basses du champ. Les feuilles restent attachées au plant même après la mort de ce dernier, ce qui constitue l'une des caractéristiques de cette maladie. (figure 2). Les plants qui sont partiellement résistants peuvent montrer uniquement des signes de rabougrissement, sans mourir de la maladie. La pourriture phytophthoréenne est le plus grave quand les températures du sol dépassent 15oC. Les risques d'infection et d'apparition des symptômes sont alors plus élevés.

Figure 2. Pourriture phytophthoréenne causant la mort des plants, auxquels les feuilles demeurent attachées.

Figure 2. Pourriture phytophthoréenne causant la mort des plants, auxquels les feuilles demeurent attachées.

Il arrive que l'on confonde la pourriture phytophthoréenne avec d'autres maladies comme le chancre des tiges et la moisissure blanche à partir des bordures de champs (figure 3), d'où l'importance de bien examiner les zones affectées, surtout tard en saison.

Figure 3. La présence de plants morts tard en saison peut être due à Phytophthora, ce qui se manifeste par une décoloration de la tige à partir du sol jusqu'aux nœuds inférieurs, comparativement au chancre de la tige qui commence aux nœuds supérieurs et à la moisissure blanche qui cause un blanchiment des tiges et une prolifération fongique (mycélium).

Figure 3. La présence de plants morts tard en saison peut être due à Phytophthora, ce qui se manifeste par une décoloration de la tige à partir du sol jusqu'aux nœuds inférieurs, comparativement au chancre de la tige qui commence aux nœuds supérieurs et à la moisissure blanche qui cause un blanchiment des tiges et une prolifération fongique (mycélium).

Cycle de vie de la maladie

Phytophthora sojae est un oomycète, un microorganisme apparenté aux champignons. Le soya est le seul hôte végétal connu qui abrite cette espèce. On observe la pourriture phytophthoréenne dans la plupart des régions productrices de soya. Les spores hivernantes aux parois épaisses de l'agent pathogène s'appellent des oospores. Elles passent l'hiver dans le sol et les résidus végétaux. Sous des conditions humides, elles germent et infectent directement les racines ou produisent des spores mobiles (zoospores) qui nageront en quelque sorte dans la pellicule d'eau se trouvant entre les particules de sol et infecteront alors les racines de soya quand le sol deviendra saturé. L'agent pathogène colonise les tissus racinaires et bloquera les tissus du plant qui transportent l'eau, entraînant son flétrissement. Les oospores peuvent être déplacées par la machinerie ou des animaux et peuvent survivre dans le sol pendant de nombreuses années.

Méthodes de lutte

La résistance génétique représente le principal moyen de lutter contre la pourriture phytophthoréenne, mais pour être efficace on doit lui combiner sélection variétale, traitement des semences et bonnes pratiques de gestion. Il existe diverses formes de résistance génétique (gène Rps) et de résistance partielle (tolérance du champ). Il est donc important de vérifier les cultivars avant d'ensemencer un champ qui présente des antécédents de pourriture phytophthoréenne. Au tableau 1 des essais de rendement de l'Ontario Soybean and Canola Committee, on mentionne la source des cultivars résistants (gènes Rps) à la pourriture phytophthoréenne ainsi le pourcentage des pertes sur deux ans (tolérance du champ) observés dans un milieu où la maladie est abondante (voir gosoy.ca).

L'avantage d'avoir recours à la résistance génétique fournie par les gènes Rps réside dans le fait que ces derniers procurent une résistance complète à certains pathotypes/souches de Phytophthora (appelés races auparavant). Par contre, ces cultivars demeurent sensibles à d'autres pathotypes, puisqu'un seul gène confère la résistance (figure 4). En Ontario, les gènes Rps1a et Rps7 ne sont pas efficaces puisque tous les champs contiennent des pathotypes de Phytopthora qui peuvent surmonter cette résistance. Les cultivars Rps1c et 1k sont encore efficaces, mais leur efficacité diminue, comme le montrent certains sondages effectués par le chercheur Owen Wally (AAC, Harrow) et par Albert Tenuta (MAAARO, Ridgetown). Le gène Rps3a est intégré dans un plus grand nombre de cultivars de soya commerciaux et il est extrêmement efficace dans la province.

Figure 4. Gènes Rps efficaces contre des pathotypes précis de Phytophthora. Il est recommandé d'appliquer un programme de lutte intégrée contre Phytophthora, qui utilise des cultivars comportant les gènes Rps 3a, 1k, 1c ou 8 et qui procure une résistance élevée dans le champ grâce à des traitements de semences contre les oomycètes et à de bonnes pratiques de gestion (Photo : Allen Xue, AAC Ottawa).

Figure 4. Gènes Rps efficaces contre des pathotypes précis de Phytophthora. Il est recommandé d'appliquer un programme de lutte intégrée contre Phytophthora, qui utilise des cultivars comportant les gènes Rps 3a, 1k, 1c ou 8 et qui procure une résistance élevée dans le champ grâce à des traitements de semences contre les oomycètes et à de bonnes pratiques de gestion (Photo : Allen Xue, AAC Ottawa).

La tolérance du champ ou résistance partielle ne dépend pas du pathotype présent dans le champ. Bien que la pourriture phytophthoréenne continuera à se manifester si les conditions climatiques lui sont favorables, les symptômes seront moins prononcés. Il est important de choisir les cultivars dotés des gènes Rps efficaces (3a, 1k, 1c, 8) et qui offrent une bonne tolérance du champ.

Il existe divers traitements fongicides des semences qui contiennent du métalaxyl, du métalaxyl-M, de l'éthaboxame, ou de l'oxathiapiproline qui procurent une maîtrise partielle de la maladie et qui devraient être utilisés concurremment à des cultivars résistants ou tolérants. Voir le tableau 2-9 du Guide de protection des grandes cultures du MAAARO pour une liste complète (Publication 812F, Guide de protection des grandes cultures). Pour une efficacité additionnelle dans les champs qui présentent d'importants antécédents de pourriture phytophthoréenne, on peut envisager d'ajouter de l'oxathiapiproline ou de l'éthaboxame à un fongicide de base contenant du métalaxyl ou du métalaxyl-M. Le drainage du champ et le travail du sol peuvent aussi être utiles pour atténuer les dommages causés par la pourriture phytophthoréenne. Se rappeler aussi qu'il n'y a rien pour remplacer une bonne rotation culturale puisque cette maladie ne s'attaque pas à d'autres grandes cultures.


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