
Apprendre à reconnaître les buttes dans les champs cultivés - Partie 2 : Comprendre et gérer les buttes à pH bas
Il est vrai que les buttes érodées à pH élevé, souvent causées par l'érosion du sol révélant des sous-sols calcaires à pH plus élevé, sont habituellement plus courantes en Ontario, mais ce n'est pas le cas dans toutes les régions.
Comment se forment les buttes à bas pH?
Les buttes à bas pH (figure 1) peuvent se former en terrain vallonné où les sols de surface ont été constitués à partir de dépôts sableux, comme dans les endroits où les eaux de fonte glaciaire ont déposé du sable à l'entrée d'anciens lacs glaciaires (Webber et Hoffman, 1967). Le travail du sol, l'érosion hydrique ou éolienne ont aussi contribué à déplacer la couche de sol arable de ces monticules. Les sols s'acidifient naturellement avec le temps par la pluie, par la décomposition de la matière organique des minéraux et par l'application d'engrais ammoniacaux. Les sols sableux possèdent moins de pouvoir tampon pour résister à ces processus, ce qui abaisse leur pH.
Figure 1. Échantillons de sol prélevés à 4 pi de profondeur dans une parcelle saine de maïs située à l'extérieur de la butte (à gauche) et dans une parcelle médiocre, sur la butte (à droite).
Étude de cas d'une butte à bas pH
Nous avons visité un champ dans le comté de Kent en mai où un producteur éprouvait des difficultés avec des cultures situées dans une butte sablonneuse (figure 2). Il s'interrogeait sur les causes de la mauvaise performance de la culture : ravageurs dans le sol? nématodes? pH? blessures dues aux engrais? La première étape du diagnostic d'un problème de levée consiste à chercher des indices. La plupart des semences semblaient avoir germé, mais bon nombre d'entre elles n'avaient pas levé et les jeunes pousses semblaient décolorées et peu vigoureuses. Bien qu'on y ait trouvé le faux ver fil-de-terre, la plupart des semis qui n'avaient pas bien levé ne montraient pas de signes de dommages attribuables au ver. Les semis non levés ne présentaient pas non plus de symptômes évidents caractéristiques de la brûlure par les engrais comme le noircissement des racines, ou l'absence de racines ou encore la présence de nombreuses petites protubérances sur les racines ou à leurs extrémités.
Figure 2. Parcelle médiocre de maïs dans le haut d'un coteau sablonneux.
Étant donné l'absence de symptômes manifestes permettant d'expliquer la médiocrité de la parcelle, des échantillons de sol ont été prélevés sur la butte ainsi qu'aux endroits hors de celle-ci où la parcelle de maïs était saine. Deux différences majeures sont tout de suite apparues : un pH beaucoup plus bas et une teneur beaucoup plus faible en magnésium dans la parcelle médiocre de la butte comparativement à la parcelle saine autour de cette dernière (tableau 1).
Tableau 1. Valeurs du pH et de la teneur en magnésium obtenues par analyse de sol sur la butte et hors de la butte.
Sur la butte (parcelle médiocre) | Hors de la butte (parcelle saine) | Seuil critique | |
---|---|---|---|
pH | 4,9 | 6,9 | 5,6* |
Magnésium (ppm) | 15 | 112 | 20 |
* Seuil critique pour les sols de texture grossière et moyenne.
Buttes à bas pH et productivité des cultures
La croissance des cultures est affectée par des pH inférieurs aux valeurs optimales, lesquelles varient selon les cultures (tableau 2). Une diminution du pH comme tel ne compromet pas la croissance, mais modifie la disponibilité de certains éléments chimiques et nutritifs dans le profil de sol. Certains éléments comme l'aluminium peuvent devenir plus facilement assimilables par la culture au point d'être toxiques et de nuire à la croissance des racines alors que certains éléments nutritifs (comme le calcium et le magnésium) peuvent prendre des formes moins disponibles pour les plantes au point de devenir insuffisants (figure 2). Dans le cas des légumineuses, un bas pH peut aussi inhiber la formation des nodules. L'érosion de la couche arable peut aussi avoir un effet sur l'humidité du sol et la capacité à retenir ou à procurer les éléments nutritifs.
Tableau 2. Seuil critique du pH du sol pour diverses cultures et différents types de sols (Brown, 2017).
Type de sol | Cultures | pH du sol au-dessous duquel l'apport de chaux est bénéfique | pH 1cible du sol |
---|---|---|---|
Sols minéraux à texture grossière et moyenne (sables, loams sableux, loams et loams limoneux) | légumineuses vivaces, avoine, orge, blé, triticale, haricots, pois, canola, lin, tomate, framboise, fraise, toutes les autres cultures non énumérées ci-dessous | 6,1 | 6,5 |
maïs, soya, seigle, graminées, foin, pâturage, tabac | 5,6 | 6,0 | |
pomme de terre | 5,1 | 5,5 | |
Sols minéraux à texture fine (argiles et loams argileux) | luzerne, choux, rutabaga | 6,1 | 6,5 |
autres légumineuses vivaces, avoine, orge, blé, triticale, soya, haricots, pois, canola, lin, tomate, framboise, toutes les autres cultures non énumérées ci-dessus ou ci-dessous | 5,6 | 6,0 | |
maïs, seigle, graminées, foin, pâturage | 5,1 | 5,5 | |
Sols organiques (tourbes/ terres noires) | toutes les grandes cultures, toutes les cultures légumières | 5,1 | 5,5 |
1 Aux endroits où une culture est cultivée en rotation avec d'autres cultures exigeant un pH plus élevé (p. ex du maïs en rotation avec du blé ou de la luzerne), chauler le sol pour atteindre le pH le plus élevé.
Gérer la variabilité due aux buttes dans un champ
Un échantillonnage du sol doit être effectué pour confirmer si le pH est trop bas. À cette fin, il est important de prélever directement des échantillons dans le sol de la butte. Ainsi, un échantillonnage en grille a été réalisé dans le cadre de l'étude cas mentionnée, mais il n'a pas permis de révéler le faible pH du sol de la butte sablonneuse.
Le besoin de chauler dépend du pH du sol et des cultures. Si le pH de l'échantillon de sol est bas, une analyse du pH tampon est incluse avec les résultats afin d'indiquer la capacité du sol à modifier son pH. Le pH tampon et le pH cible qui dépend de la culture et du type de sol (tableau 2) sont utilisés pour établir la dose de chaux requise. On peut consulter les recommandations complètes sur le chaulage au chapitre intitulé Fertilité et éléments nutritifs de la publication 811F, Guide agronomique des grandes cultures, ou au chapitre intitulé pH du sol, chaulage et acidification de la publication 611F, Manuel sur la fertilité du sol.
Lorsque le pH est bas, le magnésium l'est souvent aussi. L'application de chaux dolomitique (carbonates de calcium et de magnésium) est conseillée, car elle procure les deux formes de carbonates qui corrigent le bas pH et la faible teneur en magnésium. S'il est impossible de se procurer de la chaux dolomitique, on peut corriger la carence en magnésium avec un engrais approprié. Il peut être important de corriger le pH pour retirer le plus d'avantages possible de l'apport de magnésium, car comme dans l'étude de cas, les plantes sur la butte montraient des symptômes de carences en magnésium (figure 3) même si un engrais à base de magnésium avait été épandu.
Figure 3. Rougissement des feuilles inférieures d'un plant de maïs indiquant une carence en magnésium dans un sol dont la teneur est faible en magnésium.
Les buttes sablonneuses peuvent être variables à l'intérieur d'un même champ. La connaissance que le producteur a de son champ peut être suffisante pour qu'il soit en mesure de localiser les problèmes, prélever des échantillons et apporter les mesures qui s'imposent. D'autres outils, comme la cartographie du sol nu par imagerie (figure 4), des mesures de propriétés du sol obtenues par des capteurs (comme la conductivité électrique) ou les données historiques de rendement (si la productivité des buttes est constamment médiocre), peuvent aider à localiser ou à délimiter les zones à problèmes. Des applications à doses variables de chaux ou de magnésium peuvent être envisagées quand les zones où le pH est bas sont bien délimitées et que de telles applications leur seraient profitables, sans que ce soit probablement le cas pour le reste du champ.
Figure 4. Sol nu capté par imagerie dans l'étude de cas. Les buttes sablonneuses à problème sont encerclées en rouge.
Le bas pH peut ne pas être le seul problème sur les buttes sablonneuses, mais il est possible que la correction du pH soit au cœur de l'amélioration de la productivité à cet endroit. D'autres faiblesses peuvent aussi être apparentes dans les sols à texture légère (brûlures dues aux engrais, ravageurs s'attaquant aux racines, nématodes).
Sources
Brown, C., éditeur, Guide agronomique des grandes cultures, publication 811F, ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario, 2017.
Webber et Hoffman, Origin, classification and use of Ontario Soils, publication 51, ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario, 1967.
Pour plus de renseignements :
Sans frais : 1 877 424-1300
Local : 519 826-4047
Courriel : ag.info.omafra@ontario.ca
Auteur : | Ben Rosser, spécialiste de la culture du maïs/MAAARO |
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Date de création : | Septembre 2020 |
Dernière révision : | Septembre 2020 |