
Le mystère de la contribution du fumier à la santé du sol enfin éclairci
« Une manière radicalement nouvelle d'appréhender le sol explique partiellement pourquoi l'apport de fumier améliore sa résilience, atténue les effets du climat et augmente les rendements » - Andy Neal (Ph. D.), Rothamsted Research.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les forêts peuvent s'établir et croître sans recevoir d'engrais? Ou pourquoi les prairies, les pâturages et la végétation en bordure des chemins, y compris les mauvaises herbes, semblent se développer sans ajout d'azote, de phosphore ou de potassium?
Des chercheurs qui étudient les aspects plus détaillés de diverses caractéristiques des sols se sont réunis pour en dresser un portrait d'ensemble, ce qui a permis de dégager certains points de vue novateurs concernant l'effet du fumier et de la production culturale sur la matière organique du sol, et d'entrevoir ce qui pourrait constituer une « théorie du sol » à caractère universel.
En explorant les aspects physiques et microbiologiques du sol et la génétique des microorganismes qui s'y trouvent, les chercheurs ont examiné, à l'aide de techniques d'imagerie par rayons X, des pores du sol dont le diamètre ne dépasse pas celui d'un cheveu humain. Ils ont ainsi remarqué que les sols riches en carbone présentaient une structure contenant plus de pores davantage interconnectés, ce qui peut faciliter la circulation de l'eau, de l'air et des éléments nutritifs. Certaines de leurs recherches portaient sur les sols soutenant des cultures en rangs comparativement aux sols de prairies herbacées, après une période de jachère prolongée dans les deux cas.
Selon le cycle carbone-azote, les microorganismes du sol utilisent l'azote pour décomposer le carbone. Dans les « sols sains », dont la structure est plus poreuse, des teneurs relativement faibles en azote ont empêché les microorganismes d'utiliser le carbone avec la même intensité. Le carbone a donc été libéré sous forme d'une colle polymère qui, avec le temps, a contribué à former des pores davantage interconnectés ainsi qu'à favoriser une structure plus poreuse.
Figure 1. Un sol riche en carbone ayant une bonne structure va permettre un recyclage efficace de l'air, de l'eau et des éléments nutritifs.
Les cultures en rangs ont été de plus en plus amendées au cours des décennies avec des engrais commerciaux. L'abondance d'azote permettant de décomposer le carbone du sol, au cours de ces nombreuses décennies, a entraîné une réduction de la formation de la colle polymère. Cette baisse a contribué à diminuer la quantité de carbone dans le sol ainsi qu'à favoriser la transformation de certaines propriétés du sol, notamment en réduisant le nombre de pores interconnectés, et par ricochet, à affecter la circulation de l'air et de l'eau dans le sol. Ces phénomènes modifient les propriétés chimiques et physiques des cultures en rangs comparativement à celles d'une prairie qui sert de pâturage à des animaux d'élevage.
À mesure que les sols deviennent en quelque sorte plus « étanches » en raison de la diminution de l'espace occupé par les pores, les microorganismes dépensent plus d'énergie à trouver des sources d'énergie. Dans les sols pauvres en oxygène, les microorganismes se tournent vers l'azote et le soufre, qui sont des fournisseurs d'énergie, ce qui en retour accroît l'émission de gaz à effet de serre. Avec le temps, les terres cultivées qui sont uniquement engraissées avec des engrais commerciaux présentent différents processus microbiens qui permettent d'aller chercher l'énergie requise et d'assurer la respiration des microorganismes, comparativement aux sols amendés avec des fumiers riches en carbone.
Que peut-on faire pour améliorer les sols dans le contexte des systèmes de cultures actuels?
De nombreuses études ont montré que le carbone favorisait une interaction dynamique entre la structure du sol et l'activité microbienne. Le carbone provenant d'amendements organiques, les rotations variées et les cultures de couverture favorisent la présence de racines vivantes et de leurs exsudats qui assurent la survie des populations microbiennes dans le sol et la formation continue de pores. Les producteurs de cultures ont toujours envié les fermes d'élevage de bovins où l'on pratique des rotations diversifiées de cultures fourragères et où du fumier est épandu régulièrement, car les sols de ces exploitations sont habituellement plus sains et résilients. Ce ne sont pas toutes les terres cultivées évidemment qui peuvent être converties pour y établir en permanence des cultures fourragères et des pâturages. De plus, l'amélioration de l'activité microbienne pour favoriser la porosité du sol et obtenir une meilleure structure prend du temps, probablement des décennies en fait. Mais il y aura amélioration lorsque du carbone est apporté chaque fois que c'est possible.
Quelles sont certaines des possibilités d'amélioration pour les systèmes culturaux existants?
- Augmenter la diversité des rotations en semant des cultures de couverture et fourragères et, si possible, garder les sols recouverts de racines vivantes.
- Retourner les résidus culturaux au sol le plus souvent possible.
- Réduire le travail du sol, surtout sous des conditions d'humidité lorsque les risques de compactage du sol sont plus élevés.
- Épandre plus souvent du fumier ou des amendements organiques
d'origine municipale :
Les matériaux solides présentant un ratio C:N plus élevé sont plus efficaces. Quand la teneur en matière sèche d'un fumier liquide ou de digestats anaérobies est inférieure à 3 %, la portion ammonium est élevée et la teneur en carbone est faible. Le ratio C:N des sols se situe entre 8:1 et 10:1. Idéalement, tout apport d'amendement organique au sol pour augmenter le carbone du sol aura un ratio C:N plus élevé que celui du sol. - Réduire la teneur en eau dans les systèmes de fumier liquide afin d'en augmenter la concentration en solides et en carbone.
Les recherches vont se poursuivre en vue d'éclaircir le mystère de l'effet du carbone sur le comportement du sol par l'étude des interactions entre les processus physiques, chimiques et biologiques. L'attention accordée actuellement à la santé des sols dans les fermes ontariennes, laquelle se manifeste par le recours aux cultures de couverture, aux cultures hivernantes et aux amendements organiques, contribue à améliorer la résilience des sols. Les exsudats racinaires qui stimulent l'activité microbienne dans le sol vont graduellement améliorer la porosité, le recyclage des éléments nutritifs et la réduction des gaz à effet de serre.
Sources
Résumé de recherche de Rothamsted : 'Where There's Muck There's Brass' - basé sur le rapport de recherche intitulé 'Soil as an Extended Composite Phonotype of the Microbial Metagenome', Andy Neal (Ph. D.) - Sustainable Agriculture Science, Rothamsted Research.
Pour plus de renseignements :
Sans frais : 1 877 424-1300
Local : 519 826-4047
Courriel : ag.info.omafra@ontario.ca
Auteur : | Christine Brown, spécialiste de la durabilité des grandes cultures/MAAARO |
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Date de création : | Septembre 2020 |
Dernière révision : | Septembre 2020 |