Alimentation du bovin de boucherie pour un état d'engraissement et un poids de marché optimaux


Fiche technique - ISSN 1198-7138  -  Imprimeur du Roi pour l'Ontario
Agdex : 425/54
Date de publication : décembre 2010
Commande no. 10-096
Dernière révision :
Situation :
Rédacteur : T. Hamilton et B. Pogue

Introduction

Lorsque les prix du marché sont bas, les engraisseurs de bovins sont parfois tentés de garder leurs animaux à la ferme au-delà du poids et de l'état d'engraissement normalement jugés optimaux. Plutôt que de vendre leur bétail à perte ou pour un profit minime, les producteurs peuvent prédire une hausse des prix du marché dans les semaines à venir, justifiant ainsi la garde de leurs bovins au-delà d'un poids et d'un état d'engraissement normaux. Cette stratégie peut soit s'avérer efficace, soit entraîner des pertes encore plus importantes. Voici donc certains des facteurs inhérents aux aliments, aux animaux et à l'économie à prendre en considération dans l'adaptation de ses stratégies de marketing.

Marge d'exploitation

Dans le secteur de l'engraissement des bovins, pour obtenir la marge la plus élevée possible, il faut maximiser la différence entre les recettes de la vente des bovins de boucherie et les coûts d'exploitation associés à leur engraissement. La marge d'exploitation diffère du profit total. Elle ne tient pas compte des coûts indépendants du nombre de bovins engraissés. Une fois qu'un parc d'engraissement est opérationnel, de nombreux coûts, comme les investissements fonciers et dans les installations, la dépréciation des biens et les assurances, ont déjà été engagés et n'influent donc pas sur la marge d'exploitation.

On détermine les recettes de la vente d'un bovin en multipliant le poids de l'animal par son prix de vente (incluant toute pénalité), alors que les coûts d'exploitation s'obtiennent par l'addition des dépenses, comme les aliments, la superficie nécessaire, la mise en marché et les intérêts sur les bovins. Afin de maximiser la marge d'exploitation, il suffit de vendre les animaux lorsque la différence entre leur valeur et les coûts associés à ceux-ci est à son maximum. Bien que simple en théorie, cette stratégie est des plus difficiles à mettre en œuvre, étant donné que de nombreux facteurs entrent en jeu, notamment la diminution de l'efficacité alimentaire à mesure qu'engraissent les bovins et le risque de pénalités selon le poids et le classement.

La performance du troupeau d'engraissement, les coûts et les prix du marché

Tout un ensemble de facteurs, y compris la composition génétique des animaux, leur poids vif, l'énergie que procure l'alimentation (et la concentration d'éléments nutritifs qu'on y trouve), l'apport alimentaire, l'utilisation d'implants hormonaux et les conditions environnementales, détermine la performance des bovins dans un parc d'engraissement. Les coûts d'exploitation comprennent le coût des aliments et de la litière, les frais de main-d'œuvre et le taux d'intérêt appliqué au bétail.

Les recettes tirées de la vente d'un animal donné dépendent de son poids, de son degré d'engraissement, de son rendement au détail prévu et de sa marbrure. Le système de classement divise les carcasses selon leur rendement (rendement au détail) et leur qualité (marbrure). Pour déterminer la valeur d'une carcasse, on utilise habituellement le prix de base à la livre du marché pour une carcasse particulière, duquel on déduit diverses pénalités lorsque les paramètres précisés ne sont pas respectés (tableau 1). Normalement, les critères comprennent une fourchette de poids mort, un classement de rendement et un classement de qualité.

Le tableau 1 montre des pénalités pour des carcasses représentatives de l'Ontario selon le poids, la classe de rendement, la classe de qualité et l'âge (jeunes ou de plus de 30 mois). Les établissements de transformation déterminent leurs fourchettes optimales pour la taille des carcasses, le rendement et la marbrure. Ils réduisent ensuite le prix des bovins dont les caractéristiques se situent à l'extérieur de ces fourchettes afin de refléter leur valeur inférieure. Les bovins dont les caractéristiques se situent à l'extérieur de la grille " A ", comme les bovins B1 (dépourvu de marbrure ou ayant moins de 2 mm de gras dorsal) et B4 (coupe noire), sont soumis à des pénalités importantes. Dans certaines chaînes de valeur, des primes peuvent être offertes pour certaines caractéristiques, comme une classe AAA ou une marbrure de premier choix, ou encore les petites carcasses. Consulter les établissements de transformation pour connaître leur structure de prix.

Tableau 1. Pénalités types selon le poids et le classement pour le bétail d'engraissement en Ontario*

Classement et caractéristique

Pénalité

($/lb de carcasse)

Rendement de classe 3
-0,05 $
A
-0,01 $
B1 (dépourvu de marbrure ou <2 mm de gras dorsal)
-0,20 $
B2 (gras jaune)
-0,25 $
B3 (faible musculature)
-0,25 $
B4 (coupe noire)
-0,25 $
Poids (option 1)
De 900-950
-0,08 $
De 951-1,000
-0,10 $
De 1,001-1,050
-0,12 $
De 1,051-1,100
-0,14 $
Plus de 1,100
-0,30 $
Poids (option 2)
De 900-1,000
-0,10 $
De 1,001-1,100
-0,15 $
Plus de 1,100
-0,35 $
Âge
Plus de 30 mois
De 25 à 100 $ par tête

* Les spécifications cibles sont les suivantes : poids mort inférieur à 900 lb, marbrure de classe AA ou supérieure et rendement de classe 1 ou 2.

Alimentation du bovin de boucherie au-delà du poids de marché normal

Lorsqu'on continue d'alimenter les bovins au-delà du poids optimal ou du degré d'engraissement établi par le marché, des pénalités peuvent venir réduire leur valeur à la livre, mais le nombre total de livres à vendre augmente. Les bovins continuent de croître et de manger chaque jour où ils restent dans le parc d'engraissement, mais à mesure qu'ils engraissent, le gain de poids ralentit et l'efficacité de leur conversion alimentaire diminue, tout comme leur consommation alimentaire en proportion du poids corporel. La détérioration de la santé du rumen constitue une autre préoccupation, étant donné que l'acidose subaiguë causée par une alimentation riche en amidon finira par endommager considérablement le rumen, ce qui réduira encore davantage la performance et pourrait entraîner des problèmes de fourbure.

Les coûts et avantages économiques de continuer à nourrir les bovins à cette étape dépendent d'un ensemble complexe de facteurs qui augmente les coûts par tête et modifie la valeur par tête. Comme chaque parc d'engraissement a une structure de coûts qui lui est propre, une analyse précise est nécessaire. Or, l'examen d'un scénario général peut aider à comprendre les principes et à évaluer chacune des situations particulières. Le tableau 2 présente les effets découlant de la garde et de l'alimentation additionnelles des bouvillons pendant 20, 40 ou 60 jours au-delà du point de mise en marché optimal normal, selon des coûts précis. Dans ce scénario, les bouvillons présentent un gras dorsal adéquat et une marbrure de classe AA ou AAA (le prix étant le même pour ces deux classes).

Tableau 2. Effets sur la performance et ce qu'il en coùte de garder un bouvillon de 1 400 livres au-delà du poids de marché optimal'

 
Nombre de jours au-delà du poids de marché optimal
 
20
40
60
Poids vif
1 460 lb
1 510 lb
1 550 lb
Poids mort (60 % de rend.)
876 lb
906 lb
930 lb
Consommation de matière sèche (% du poids corporel)
1,95 %
1,85 %
1,75 %
Gain journalier moyen
3,00 lb/jour
2,63 lb/jour
2,25 lb/jour
Variation de la conversion alimentaire*
+6,5 %
+15 %
+21,5 %
Coûts d'alimentation additionnels**
+48,50 $
+95,50 $
+139,50 $
Superficie additionnelle + coûts d'intérêt à 0,50 $/jour
+10,00 $
+20,00 $
+30,00 $
Prix de vente ($/lb de carcasse)
1,50 $
1,40 $
1,40 $
Pénalité pour surpoids***
-0,00 $
-90,60 $
-93,00 $
Coûts additionnels pour garder le bovin (excluant toute pénalité potentielle pour perte de rendement)
+58,50 $
+206,20 $
+262,50 $
Valeur de vente de la carcasse
1 314,00 $
1 268,00 $
1 302,00 $
Variation de la valeur de la carcasse par rapport à sa mise en marché à un poids vif de 1 400 lb
+54,00 $
+8,40 $
+42,00 $
Hausse du prix du marché nécessaire pour couvrir les coûts additionnels ($/lb de carcasse)
+0,01 $
+0,22 $
+0,24 $

† Dans cet exemple, le prix de base du marché est évalué à 1,50 $/lb de carcasse, pour une marbrure AA ou AAA et un rendement de classe 1 ou 2.
* Livre d'aliments par livre de gain, c'est-à-dire que la quantité d'aliments nécessaire pour une livre de gain augmente de 6,5 %.
** Le coût des aliments est basé sur le prix du maïs à 150 $/t et d'un complément protéique à 350 $/t.
*** Selon une pénalité de 0,10 $/lb pour les carcasses entre 901 et 1 000 livres.

Pour les carcasses de plus de 900 livres, une pénalité de 0,10 $/lb s'applique. Dans le scénario de référence utilisé à des fins de comparaison, le bouvillon a un poids vif de 1 400 livres et affichera un rendement de 60 % (pour un poids mort de 840 livres), ainsi qu'un rendement de classe 2, avec marbrure de classe AA. Le prix de base du marché pour les carcasses présentant ces caractéristiques est évalué à 1,50 $/lb, pour une valeur totale de la carcasse de comparaison de 1 260 $.

Garder ou vendre?

Dans l'exemple susmentionné, il y a peu de risque à garder le bovin pendant 20 jours additionnels. Une hausse du prix du marché de seulement 0,01 $/lb viendrait compenser les coûts supplémentaires engagés pour le bovin, et il est peu probable que le bovin accumule assez de gras pour obtenir un rendement de classe 3. Comme le poids mort du bovin n'a pas dépassé le seuil de 900 livres, aucune pénalité ne s'applique. Si le prix du marché augmentait de 0,05 $/lb avant la fin de la période de garde de 20 jours, la marge d'exploitation de l'engraisseur augmenterait de 35,00 $/tête.

Toutefois, si l'on garde le bovin pendant 40 jours, son poids mort dépasserait le seuil de 900 livres, ce qui entraînerait une pénalité pour surpoids de 0,10 $/lb. Afin de couvrir les coûts de la superficie et des aliments additionnels, ainsi que la pénalité, il faudrait enregistrer une hausse du prix de base du marché de 0,22 $/lb de carcasse (soit de 1,50 $/lb à 1,72 $/lb). Les risques sont donc beaucoup plus élevés que pour le scénario de 20 jours, vu la pénalité considérable s'appliquant aux carcasses lourdes.

Si l'on gardait le bovin pour un total de 60 jours au-delà du poids optimal normal, la pénalité pour surpoids s'appliquerait également. Afin de compenser les coûts de la superficie et des aliments additionnels, ainsi que la pénalité, il faudrait enregistrer une hausse du prix du marché de 0,24 $/lb avant la fin de la période de garde. De plus, lorsqu'ils sont nourris aussi longtemps, certains bovins peuvent engraisser excessivement et ainsi obtenir un rendement de classe 3, ce qui signifie qu'ils seraient assujettis à une pénalité additionnelle de 0,05 $/lb. La santé du rumen serait aussi en danger, vu les effets causés par un faible pH.

Sommaire

Afin de prendre des décisions éclairées sur la mise en marché d'un groupe de bovins engraissés, les exploitants de parcs d'engraissement ont besoin de données précises sur leurs coûts d'exploitation, ainsi que du poids mort et du classement prévus des bovins pour diverses périodes de garde. Ils doivent en outre se renseigner sur les différentes pénalités qui s'appliqueront si les caractéristiques de leurs bovins ne correspondent pas aux spécifications cibles en vigueur au sein de leur marché. Il peut être avantageux de garder les bovins pendant une période relativement courte (2 ou 3 semaines) si on prévoit une hausse des prix du marché et que les bovins n'engraisseront pas au point d'être assujettis à une pénalité pour surpoids. Or, il peut s'avérer beaucoup plus risqué de garder les bovins pour une longue période, étant donné qu'ils peuvent engraisser excessivement ou accumuler du gras et ainsi être assujettis à des pénalités importantes.

La présente fiche technique a été rédigée par Tom Hamilton, chargé du programme sur les bovins de boucherie, systèmes de production, MAAARO, New Liskeard, et Brian Pogue, chargé du programme sur les bovins de boucherie, MAAARO, Guelph.


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